#15. Viva Corsica! -3-
J'ai testé: "Me taper 400km de route de montagne sur une selle de 3cm² en l'espace de douze heures."
C'est bien beau de se la donner en jet-ski, de se faire rougir la pilule sur la plage, et de faire des siestes à rallonge, mais on est quand même venu là pour faire de la moto, à la base (sinon aucun intérêt de se trimballer la remorque, note).
Musclor décide donc qu'aujourd'hui, on va à Corte, en plein coeur de la Corse. A vol d'oiseau, ça a pas l'air bien loin. Malheureusement, on n'y va pas du tout à vol d'oiseau, mais bien par la route, qui a l'air très... Sinueuse? Tortueuse? Tueuse tout court?... Je suis une SDS de compète, mais là j'ai un gros doute. C'est possible ça, 200 bornes de virages? D'autant que la moyenne doit sacrément baisser, c'est pas de l'autoroute quoi... Je me laisse convaincre, avec la généreuse promesse que nous ferons non pas une, ni deux, mais bien trois pauses! Vraiment, devant tant de mansuétude, je ne peux que m'incliner.
Je mets mon équipement, et, nouveauté, mes protecs de genou (on sait jamais, un virage un peu plus tortueux que les autres), puis Musclor me tend en souriant le sac à dos. L'enfoiré pèse au moins 10 kilos (le sac, hein), je le hisse péniblement sur mon dos. Je sens que je vais en chier grave, mais je grimpe néanmoins derrière mon motard, courageuse.
On est parti, direction Sartène, au sud-ouest de la Corse. On passe en coup de vent sur une magnifique route en bord de falaise, puis entre des hectares et des hectares d'arbres calcinés (merci les pyromanes), on gravit une montagne, et Sartène, nous voilà! On a fait 34 km, et mon petit-dèj semble avoir une irrépressible envie de retrouver l'air libre, en passant par une petite visite guidée de l'intérieur de mon casque. Je serre donc les dents jusqu'à la pause number ouane (essence) quelques kilomètres plus loin. Enfin, je peux soulever mon postérieur endolori de sa selle XXXS, ouvrir ma visière (histoire de prendre l'air et/ou d'éviter à avoir à nettoyer mon casque) et désincruster ma dorsale de mon omoplate gauche. Allez, courage, plus que 80km et on fera une pause à Ajaccio. Ben voilà, c'est que dalle finalement! Toute ragaillardie, je me regreffe la selle dans le cul et roule Jacky!
Je m'amuse avec le nouveau jeu que je viens d'inventer. Pour laisser à ce veinard de Musclor tout loisir de déhancher, je ne laisse sur le réservoir que la main opposée à celle du virage. L'autre, je la pose sur ma cuisse. Et comme les virages s'enchaînent, ça fait une chorégraphie chelou, dont je vous donne la primeur, bande de veinards! Ca donne donc (en commençant par un virage à droite):
-
* Sortir le genou droit,
-
* Mettre la main gauche sur le réservoir,
-
* Mettre la main droite sur la cuisse droite,
-
* Décaler les hanches vers la gauche,
-
* Rentrer le genou droit,
-
* Sortir le gauche,
-
* Virer en speed la main gauche du réservoir pour la poser sur la cuisse gauche,
-
* Mettre la main droite à la place (en même temps),
-
* Décaler les hanches à droite,
-
Etc.
(Vous avez le droit d'essayer pour visualiser, mais seulement si vous êtes le seul être humain dans la pièce).
Vaguement, la pensée que je dois avoir l'air d'une Claudette timbrée qui s'improvise une répète pour le moins incongrue me traverse l'esprit, mais c'est pas grave: ça m'occupe.
Mais ça ne m'occupe pas les 80 km, donc quand je vois le panneau "Ajaccio – 2km" j'éructe de joie dans mon casque puisque je vais enfin pouvoir boire, pisser, me plaindre, virer ce fucking sac à dos qui pèse un âne mort, me dégourdir les jambes et masser mon postérieur (qui hurlerait à la mort s'il pouvait, sur sa selle de torture), pas nécessairement dans cet ordre (à vrai dire, j'ai commencé par virer le sac à dos en me plaignant).
On se boit un coca light sur le port d'Ajaccio (pause number two), à un endroit stratégique, tout en mitraillant les nombreux kékés qui passent.
Après avoir fait quelques clichés prometteurs, on se décide à reprendre la route. Mauvaise nouvelle, on n'a fait qu'un peu plus de la moitié. De l'aller.
La journée va être longue...
Là, on commence à être vraiment dans la vraie montagne et ça tououourne grave. Mon petit dèj, qui s'était fait oublier depuis Sartène, se ligue avec le coca pour finir de me pourrir la matinée. Musclor réussit à taxer une spécialité corse dans une station service (pause number three), du coup je la mange, pour lui faire plaisir (pour une fois qu'il essaie d'être sympa...), mmmmh, pas dégueu! Puis arrive le deuxième effet kiss cool... Argh, immonde! Je peux pas recracher en plus, trop peur que ça me revienne dans la tronche, avec le vent. Je mâchouille en grimaçant, tout en endurant les derniers kilomètres.
Enfin on y est. Je fais mon premier pas... Et manque de m'écrouler, telle une bouse. J'ai au moins 5 ampoules dans mes nouvelles bottes de moto. Bien sûr, on avait prévu de marcher jusqu'à un super restau. Et ensuite, de marcher une heure dans une vallée pour aller admirer une cascade. Et pour finir, on s'était prévu une bonne marche jusqu'en haut de Corte, pour admirer la vue. Donc là, en fait, c'est un peu la loose.
Je pousse quand même jusqu'au restau (attends, c'est Musclor qui invite), histoire de goûter 2/3 autres spécialités vomitives (pour pas mourir idiote). Après un bon saucisson de la montagne, un bon brocciu (à prononcer broutcho si on veut pas avoir l'air naze) de la montagne et un bon banana split de la montagne, on décide de quand même monter en haut du village (vue magnifique), puis d'aller dans la vallée de la Restonica, fort belle vallée au demeurant.
La route est (si c'est possible) encore pire que celle qu'on a prise pour venir, puisqu'à flanc de falaise, sans garde-fou, avec la place pour une demi-voiture environ, bien que ce soit une route à double sens. En plus, c'est soudé de cons qui n'arrivent pas à se croiser... Tant bien que mal, on se tape encore 20 km là-dedans, avant de se trouver un endroit sans trop de monde pour se poser et qui sait, faire trempette!
Au premier orteil dans l'eau, je comprends mon erreur... Okay, c'était certes une bonne idée de vouloir se baigner car j'ai ainsi pu enlever mon cuir (température corporelle dessous: 54°C), et surtout mes bottes (7 ampoules au cm²). Par contre méga choc thermique entre la température extérieure et celle de l'eau de source (20° au moins!).
Comme Musclor me nargue, tel un marsouin dans l'eau, je me force à y aller aussi, pour pas passer pour une tafiole. J'en chie, mais je finis par y entrer, dans cette putain de flotte! Trop fière.
On se sèche sur une pierre, et vient le pénible moment de se rhabiller, et , pire, de remonter sur notre godemiché géant (et vivent les bicylindres!!).
Ai-je besoin de préciser que le voyage du retour fut un enfer entrecoupé de cocas-light? Après ça, on n'a pas refait de moto pendant 3 jours, trop mal au cul!
Puis vint le moment tant redouté du départ... Pour terminer notre périple Corse, on avait prévu de passer la dernière nuit dans le nord de l'île. Après un sanglage rapide, nous voilà partis pour le Cap Corse. A 2 km de l'arrivée, après une route sinueuse, je jette machinalement un coup d'oeil dans mon rétro. Je me pétrifie: Ma moto est couchée, elle menace de se faire la malle! Je parviens quand même à hurler à Musclor de s'arrêter (oui, même en plein virage, en descente, sur une route de 2 mètres de large), et il va poser de nouvelles sangles avec l'aide de gentils corses (un peu pressés de reprendre la route vu qu'ils ne pouvaient pas nous dépasser). On a eu chaud.
Mais pas aussi chaud que quand il a dessanglé les motos pour de bon et a vu qu'une des nouvelles sangles qu'il avait fait passer (sous un chiffon) dans sa jante avait frotté et enlevé de la peinture... La jolie jante bicolore! J'ai beau faire tout ce que je peux, il fait la gueule pendant une semaine en râlant dès qu'il peut après ma moto (comme si c'était pas son sanglage d'amateur qui était en cause). Bref les vacances se terminent sur une note plutôt amère... Mais je vous rassure, il l'a quand même vendu, son vibromasseur!
* Points importants à retenir *
* Je ne mange JAMAIS avant de faire 200 km de virages. Sinon, mon envie de gerber prend le pas sur le plaisir que je peux éprouver.
* Je fais investir mon païlote dans une sacoche de réservoir pour les longs trajets. Ok c'est pas donné, mais y en a d'occase et c'est quand même moins désagréable qu'un sac à dos de 10kg, quand on doit passer 2h en selle.
* Le brocciu est un genre de fromage de chèvre corse. Ils en mettent dans beaucoup de plats sucrés ou salés.
* En Corse, le nord (Cap Corse) c'est très beau aussi. Et y a moins de cons!!
* Spéciale dédicace to Musclor: J'évite de faire passer une sangle à l'intérieur de ma jante lorsque j'attache ma moto à une remorque...
/fdata%2F3011537%2Favatar-blog-1102777138-tmpphpHLV1Ko.jpg){kind=avatar}