#4. No limit
J'ai testé: "Prendre un cours de moto."
Bon ça y est, c'est le grand jour. Ou plutôt la grande nuit. Il est 4h du matin, mes yeux sont grand ouverts et fixés sur le plafond.
Pour m'occuper, j'essaie d'imaginer ce que va bien pouvoir me demander le moniteur de l'auto-école dans quelques heures: Démarrer (ça je sais faire), tourner (aussi - enfin presque), passer la seconde... Peut-être même des trucs de fou comme rétrograder ou faire un slalom... Ca va être chaud! J'angoisse, me tourne, me retourne, frappe Musclor pour qu'il arrête de ronfler comme un perdu (comment est-ce qu'il peut dormir d'ailleurs?), soupire, tente de me rendormir (en vain), puis finis par me lever.
Je m'occupe comme je peux jusqu'à l'heure fatidique. Je m'équipe, puis la mort dans l'âme, me rends à pied à la moto-école.
En arrivant, je repère immédiatement le moniteur, grâce à sa magnifique touffe de cheveux bouclés. Je le gratifie instantanément d'un sourire figé, en mode "Joker" (plus fake, tu meurs). Je me dis que si je suis sympa avec lui il ne me fera peut être pas faire des trucs qui me feront tomber, pas con la nana.
Il fait semblant de ne pas remarquer le sourire grimaçant plaqué sur mon visage, et me pose à nouveau quelques questions sur mon "niveau", histoire de se remettre au parfum. Je répète docilement mon petit speech, et m'empresse d'ajouter que depuis la dernière fois, j'ai acheté une 125, que je sais (presque) tourner, et que j'ai même passé la seconde, une fois.
Il sourit et me montre la 125 que je vais conduire, une honda XR qui a l'air très haute. Je pensais que j'allais conduire cette fameuse moto à roulettes dont on m'avait parlé la première fois, mais ça doit être réservé à ceux qui passent le permis moto.
Je m'approche de la 125, qui a définitivement l'air vachement trop haute pour la naine que je suis. Je fais aussitôt part de mes inquiétudes à mon MIS du jour:
"C'est sûr que je touche par terre?". Mon nouveau pote hoche la tête, dans un majestueux mouvement de touffe: "Pas de souci, je l'ai fait rabaisser pour mes petits gabarits".
Dommage, ça aurait été une bonne excuse pour ne pas avoir à suivre le cours... Même si j'ai très envie d'apprendre à conduire, je crois que j'en ai encore plus peur.
"Tu l'emmènes au plateau?" me demande LaTouffe en désignant la moto. Ha ha ha je suis morte de rire, c'te blague! Je sens qu'on va vraiment rigoler, tous les deux... J'accepte d'aller au plateau, mais en SDS pour cette fois.
Avec nous, y a un type qui rigole pas du tout, il a l'air ultra motivé et ne me lance même pas un regard. Normal, il sait déjà presque conduire un gros kioube, alors que je ne suis qu'une sous-merde, avec ma 125. Mais je ne découvrirai à quel point que plus tard...
Je monte donc en SDS sur la 125 derrière le moniteur. Réalisant que ce n'est pas Musclor, je décide de m'accrocher aux poignées qui sont derrière mon cul, plutôt que de l'enserrer langoureusement. J'essaie d'encaisser les freinages et les accélérations en verrouillant les bras, histoire de ne pas m'échouer lamentablement contre son dos à chaque cahot.
Un gros quart d'heure plus tard et une tendinite à chaque avant-bras (oui, j'étais un peu crispée), on y est. Je descends de la 125, et retire mes gants et mon casque, en attendant les instructions. LaTouffe briefe le Valentino Rossi en herbe, tandis que j'essaie de me détendre. Je reçois un sms de Musclor qui me promet qu'il pense à moi. Ca va pas m'aider à rester sur la moto, m'enfin c'est déjà ça.
J'entends un gros vrombissement, Valentino est déjà parti dans le slalom, sur les chapeaux de roues. La Touffe se dirige vers moi, un sourire de prédateur aux lèvres. Je déglutis avec un petit bruit sec et me force à lui sourire bravement en retour.
"Bon, tu vas monter derrière moi, et je vais te montrer ce que tu vas devoir faire." Ouf, un peu de répit. Je déchante lorsqu'il m'explique (il gueule, visière ouverte et casque tourné vers moi), tout en faisant ce qu'il m'explique:
"Donc, tu démarres, tu accélères, tu passes la seconde, tu freines, tu t'arrêtes, tu passes la première – nous, les motards, on s'arrête en première – tu repars, tu fais demi-tour, tu accélère, tu passes la seconde et rebelotte, okay?"
Euh... Même si en mon for intérieur je pense sincèrement qu'il présume de mes capacités (que ce soit ma capacité de mémorisation ou ma capacité de pilotage), je me lance.
Je pars, accélère, passe la seconde (c'est pas très fluide mais bon), m'arrête, contente d'avoir réitéré mon exploit du week-end... Je passe la première, repars et commence un demi-tour qui devient de plus en plus large... puisque la moto ne tourne pas!! Argh non, la malédiction du tout droit, qui me foudroie à nouveau! Je finis tant bien que mal mon demi-tour (qui a pris toute la largeur de la piste, soit environ 25 mètres) en accélérant pour me maintenir en équilibre, m'arrête... Et regarde LaTouffe, qui se radine au pas de course.
"- C'est bien... (j'attends le "mais") ...Mais... (qu'est-ce que je disais?!) ... Il faut que tu serres tes jambes! Parce que là, qu'est-ce que tu fais quand tu veux te stabiliser?
- Ben j'accélère!
- Oui, sauf que tu prends cette habitude et que le jour où tu perdras l'équilibre sur la route tu vas avoir le réflexe d'accélérer et c'est pas bon ça. Il faut serrer tes jambes autour de la moto. Regarde, je vais te montrer."
Il enfourche la XR et se met à faire de minuscules tours sur lui-même, comme si ça allait m'aider de voir à quel point c'est facile pour lui.
"A toi."
Eh merde. Bon, on y va. Je commence à tourner, en essayant de bien serrer mes jambes autour de la moto, encouragée dans ce sens par un LaTouffe enthousiaste. "Encore, serre plus tes jambes! Et détends tes bras, on dirait un playmobil. Et regarde l'endroit où tu veux aller!". Sauf que si je dois regarder l'endroit où je veux aller, faut que je me dévisse la tête. Visiblement, c'est ce qu'il attend de moi, donc je me retourne la tête à 180° (ou presque), j'en chie, je transpire à mort sous mon casque, et parviens à me débrouiller un peu mieux. J'ai toujours l'impression de porter la moto à bout de bras, par contre, et elle n'est pas si légère qu'elle en a l'air...
"Bon, on va essayer autre chose, tu vas te mettre debout sur les cale-pieds".
Mais décidément quel blagueur, je suis morte de rire!
Sauf que c'est pas une blague, ce taré veut vraiment que je me mette debout sur les cale-pieds... J'essaie de ne pas réfléchir (ça va, c'est pas trop dur) et m'exécute. Je ne tombe pas, et du coup me détends un peu. On reprend quelques cercles en position assise, ça va nettement mieux même si c'est pas encore ça.
"Bon maintenant on va recommencer ce que je t'ai expliqué tout à l'heure, mais je vais monter derrière toi". Derrière moi, comme "en SDS"? J'ai un peu peur, mais en même temps, ça m'éclate trop de prendre quelqu'un en SDS. Par contre j'ai peur que la moto réagisse différemment, avec du poids en plus. Une fois encore, LaTouffe me rassure en me disant que j'ai de la chance car le moniteur le plus léger du 78, c'est lui.
Je refais ce qu'il m'avait dit de faire, tandis qu'il contrôle mon positionnement. Je suis assez fière de moi, lorsqu'il me dit: "Remonte derrière". Quoi encore!?
Rien, il veut juste me montrer que pour freiner, il faut aussi se servir de son pied droit, c'est-à-dire du frein arrière. Il veut que je sente à quel point freiner avec la main et le pied est une chose importante, pour, en cas de besoin, solliciter 100% de la capacité de freinage de la moto.
Je repars sur mon circuit, enchaînant: départ, accélération, seconde, frein arrière, frein avant (qui se rajoute au frein arrière), arrêt, première, départ, demi-tour, accélération, seconde... etc.
Je commence à prendre mes aises sur la piste, et je lance la petite 125 de plus en plus vite. Je passe la seconde de manière plus fluide, et je gère les demi-tours à gauche. Les demi-tours à droite restent plus larges et laborieux. Je reviens près de lui, toute fière. Il m'apprend à garder toujours la main sur le frein même quand le moteur est coupé (on n'est jamais trop prudent) et aussi à ranger la moto en tournant le guidon pour qu'elle soit plus stable. Ouf, je m'en suis sortie!
Avant de rentrer à la moto-école, on discute un peu sur le fait de prendre des cours, tout ça. LaTouffe me raconte une histoire horrible de mec qui avait acheté une 125, s'était inscrit au cours et finalement n'ayant pu attendre, était allé faire mumuse sur la route. Evidemment il avait pas les bons réflexes et était allé s'encastrer dans une bagnole... J'aime quand on me fait rêver comme ça. Pour changer un peu de sujet, je lui demande combien de séances il me faudra encore avant d'aller sur la route. "Une seule, pour le rétrogradage".
Une seule et... A moi la route! Trop bien.
Rendez-vous est donc pris 15 jours plus tard pour le dernier cours avant que je sois lâchée dans la jungle de la rue...
* Points importants à retenir *
* Il faut se servir du frein avant (main droite) et du frein arrière (pied droit), le frein arrière représente (quand même) 30% de la capacité de freinage de la moto.
* Pour faire demi-tour, il faut:
-
Serrer les jambes à mort
-
Détendre ses bras
-
Se dévisser la tête jusqu'à regarder derrière son épaule
* Pour faire demi-tour, il NE faut PAS:
-
Regarder ce qui fait peur: trottoir, camion... Sinon on fonce dedans.
-
Jouer de l'accélérateur pour rétablir son équilibre
-
Freiner (ben oui, le guidon est tourné)
* Pour garer sa moto, c'est bien de tourner le guidon, la moto est alors plus stable. Bien sûr, on n'oublie pas de remettre la béquille hein.
* "Nous les motards, on s'arrête en première", dixit LaTouffe.
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